Sur les Traces des Ducs de
Savoie (TDS), par Samuel G.
"C’est l’objectif sportif de
l’année avec mon binôme Ben : partir de Courmayeur en Italie, parcourir
les 120km et gravir les 7 300D+ pour rejoindre Chamonix par un gros
demi-tour sud du Massif du Mont Blanc.
Notre objectif est de faire
< 28h (limite horaire 33h). Notre stratégie est de prendre notre temps aux
ravitos pour récupérer au mieux afin de courir au maximum et d’évoluer sans
trop être dans le dur. L’autre stratégie est de marcher tout du long mais en
s’arrêtant que très peu de temps. Nous, on est là pour courir (ou du moins
essayer), pas pour randonner !
A priori il s’agit du parcours
le plus sauvage, le plus technique des courses proposées par l’UTMB.
C’est notre 2ème
ultra le plus long après l’UTMB. Aussi, il convient de se préparer sérieusement
mais il faut avouer que cette année j’ai du mal à m’y mettre à fond. Il faudra
que je me prenne une claque en avril sur le trail des 42km du Beaujolais avec
la section pour que je trouve une motivation : ne plus vivre une course
dans un état physique et psychologique aussi lamentable !
J-2 : on
arrive à Argentière (7km de Chamonix), et on profite de notre dernière nuit
complète.
J-1 :
la météo est top : il fait beau, il fait chaud mais l’organisation nous
informe par sms que suite aux orages et aux éboulements le parcours est
modifié : on passe de 120 à 125km, de 7 300D+ à 6 800D+, qu’on
ne passera pas par Fort la Platte ni le Passeur de Pralognan pour rejoindre
Cormet de Roselend, le départ est reporté à 8h au lieu de 6h, des orages et du
vent froid animeront l’évolution du parcours…
Dommage, je me faisais une
joie de voir Fort la Platte et d’évoluer sur le passage très technique du
Passeur de Pralognan, je préfère avoir trop chaud que trop froid, je n’aime pas
la pluie en montagne et encore moins les orages, mais je suis preneur de 2h de
sommeil en plus…
L’ambiance à Chamonix est top,
il faut y être pour le croire : les rues sont blindées de randonneurs, de
VTTistes mais surtout de coureurs arborant des maillots de clubs, de trails,
plus de 100 nationalités seront représentées sur les différentes courses…
On met plus d’1h pour
récupérer les dossards entre la queue et le contrôle du matériel obligatoire.
On s’inscrit à une étude sur
les chaussures et les ressentis musculaires des jambes dont le protocole est
simplement de répondre à un questionnaire de quelques minutes à chaque ravito.
En contrepartie on nous gratifie d’un marquage pour ne pas faire la queue lors
des massages kiné et des soins podo…
19h : le énième plat de
pâtes…Mais sans bière :-(
22h : dodo !
Jour
J
Réveil à 5h, on prend un petit
déjeuner léger mais qui ne passe pas et on monte dans le bus affrété par
l’organisation qui nous mène de Chamonix à Courmayeur. Personne ne se parle…
7h45 : on est enfin dans
le sas de départ, dans le dernier tiers, et sous un beau ciel bleu.
Petit mal de ventre.
Dernier message de
l’organisation « blablabla… des orages plus tôt que prévu sont attendus
avec des rafales de vent glaciales, des températures entres 0 et 7° en altitude
avec un ressenti négatif, couvrez-vous bien… blablabla…. Bonne chance à toutes
et tous et bon voyage ! »
Con….rd !
1er
round => de
Courmayeur au pied du col du petit St Bernard (km30) : le pied !
8h : lancement de la
musique de Pirates des Caraïbes, grosse boule au ventre et c’est parti mon
kiki. On traverse Courmayeur sous les applaudissements et les encouragements de
la foule.
L’ascension du Mont-Favre
commence par une longue et large piste de ski où les coureurs soulèvent une
masse de poussière qu’on ne peut expectorer discrètement…
1er ravito au
km7 : arrêt de 3’ pour une pause technique…
On part tranquille, dans la
masse, quitte à perdre du temps et à piétiner au début, on préfère en garder
sous le pied pour la 2nde partie et surtout les 2 000D+ à la
sortie de Bourg Saint Maurice (km51).
Nous basculons au-dessus du
Lac Combal et le longeons, un super souvenir que j’avais de l’UTMB ! Cet
endroit est splendide, un vrai jardin d’Eden. 2km de plat que nous parcourons
en courant. Il fait vraiment beau et j’ai du mal à croire qu’un orage se
prépare !
On est toujours les uns
derrière les autres pour l’ascension du Col Chavannes à 2 600m (le plus
haut sommet du parcours). Les coureurs se rangent pour laisser passer ceux qui
vont un peu plus vite et on reprend quelques places.
S’en suit une longue descente
de 10km très roulante. Le but est de courir tout du long mais ni trop vite afin
de ne pas traumatiser les cuisses, ni trop lentement afin de s’éloigner des
barrières horaires et de respecter nos temps de passage. C’est très agréable et
on arrive même à échanger avec d’autres coureurs. Néanmoins on aperçoit de gros
nuages noirs et quelques éclairs…
Round
2 / 6h18, 780ème => Au pied du col Chavannes à Bourg St Maurice (km51) :
orages et froid !
C’est dans l’ascension du col
du petit Saint Bernard que le vent se lève et que le ciel nous tombe sur la
tête : nous nous prenons littéralement une douche. On n’a même pas le
temps d’enfiler le k-way que nous sommes trempés ! 10’ plus tard je
commence à avoir froid, le vent est de face et la pluie nous cingle le visage.
Je n’arrive même pas à tenir mes bâtons correctement tellement ils sont gelés
et me font mal aux mains. Une petite peur m’envahit… J’accélère le rythme pour
me réchauffer mais Ben a du mal à me suivre. Plus d’1h à lutter pour rejoindre
le ravito, c’est long…
Mon binôme est dans le dur, il
a un coup de moins bien. Comme on a 15’ d’avance sur notre estimation de temps
de passage on décide de prendre 20’ de pause au lieu de 15’. La soupe aux
vermicelles et le thé sont autant salutaires que les messages des proches et de
la section ! Le moral va mieux surtout après quelques critiques
bienveillantes sur mes photos ;-)
On repart avec une flasque
remplit de thé chaud qui nous sert de bouillotte pour les mains…
C’est reparti pour une longue
descente de 12km, très roulante mais aussi très glissante, il nous faut faire
attention. L’orage à cesser et on arrive même à sécher un peu nos vêtements en
courant tout du long.
On arrive à Bourg Saint
Maurice avec 30’ d’avance sur notre estimation, du coup on rallonge notre pause
et on se prend 35’ pour bien se ravitailler et profiter d’une météo plus
clémente ! Passage au contrôle du matériel obligatoire, je m’en sors
bien : je n’ai pas besoin de tout sortir des sacs étanches pour exhiber
k-way, pantalon de k-way, téléphone chargé avec numéro d’urgence et
bonnet (j’ai une tête qui respire l’honnêteté !)
Round
3 / 8h17, 729ème=> de Bourg St Maurice au Cormet de Roselend (km73) :
pas facile mais on passe !
Dès la sortie du ravito
l’ascension débute par un mur de 2km à plus de 20%. On s’accroche à un wagon
mais je m’aperçois qu’on tombe dans un faux rythme, je décide de prendre mon
allure et on remonte, je me sens bien. Petite descente bitumée, on trottine et
c’est reparti pour 8km d’ascension ponctuée de passages bien raides et de
petites descentes, ça casse les pattes !
Nous empruntons 4km de route à
7% pour rejoindre le col du Cormet de Roselend. L’inconvénient est que ce n’est
pas très sympa de se taper du bitume, on est exposé au vent froid, il faut
adapter une foulée différente (plus allongée), solliciter d’autres muscles mais
l’avantage est que la route est parsemée de supporters bienveillants.
On entend le tonnerre et on
aperçoit quelques éclairs. On essuie la fin d’un orage pas très violent mais
suffisant pour ressortir le k-way et être à nouveau bien mouillé. Notre seule
satisfaction est de voir un bel arc-en-ciel !
Enfin le ravito ! Nous récupérons
notre sac de change et tout en mangeant notre assiette de pâtes et un bol de
vermicelle on se change entièrement (chaussures comprises). Il n’y a pas de place
pour les pudiques ici ! On prend
notre temps (on recharge la montre et le téléphone…)
Direction les kinés et le
podo ! J’ai droit un massage « énergisant » de 20’ et à un bon
soin des pieds car j’ai 2 énormes ampoules formées par la macération des pieds
mouillées…
Round
4 / 12h35, 624ème => de Cormet aux Contamines (km100), pluie, glissade,
brouillard : fatiguant et relou !
Après 1h20 de pause, nous
repartons à la tombée de la nuit. Le massage, les vêtements et les chaussures
propres font du bien !
Les montées et les descentes
se succèdent, nous gardons le rythme…
Une pluie fine mais constante
tombe sur nous, des rafales de vent nous font frissonnées de froid, ce n’est
pas très agréable mais supportable. Le parcours n’est pas très technique, en
revanche l’herbe et les cailloux sont très glissants avec des passages boueux
qui nous font perdre nos appuis et font mal aux adducteurs. On voit et on
entend plusieurs personnes chuter !
On arrive tant bien que mal au
ravito du col du Joly. On se pose 20’ le temps de se réchauffer, lire les
messages pour penser à autre chose et positiver… L’ambiance n’est pas top, on
lit beaucoup de fatigue et de souffrance sur les visages, ceux qui abandonnent
sont parqués au fond de la tente. Il faut fuir au plus vite !
On repart toujours sous la
flotte et le single emprunté est une rigole de boue creusée par la pluie et les
traileurs, large de 50cm à peine, où il est difficile d’évoluer. On ne voit
rien tant le brouillard est présent, la pluie nous pique les yeux et le halo de
la frontale n’arrange pas grand-chose. Le marquage fluorescent ne nous permet
pas de suivre sereinement le serpentin du single malgré les balises très
rapprochés mais elles nous indiquent au moins la direction !
Cette longue descente de 10km
est interminable et demande un gros effort de concentration et d’équilibre, on
se suit les uns derrière les autres, personne ne prend de risque.
Enfin les Contamines, le
dernier gros ravito ! Ben est à nouveau dans le dur et a du mal à
s’alimenter depuis Bourg St Maurice, il part s’allonger… J’en profite pour
aller me faire masser ! Finalement il n’arrive pas à dormir.
Dernier
round / 20h30, 562ème => De contamines à Chamonix : gros
éclat et emballage final !
Il nous reste 1 300D+ à
faire en 2 gros coup de cul ! La pluie a cessé mais le brouillard nous
empêche de profiter du lever du soleil sur la montagne. L’ascension du Chalet
du Truc se fait sans problème, le rythme est toujours là et dès que le terrain
le permet nous courrons.
Au pied du col du Tricot, Ben
fait une escale technique, je continue mais en ralentissant. En 5’ il me
rattrape, se cale derrière moi, puis me double ! Impossible de le suivre,
impossible de réaccélérer.
Photo Sam col du
Tricot
Le col du Tricot est un mur
qu’on gravit droit dans le pentu, si ce n’est quelques petits lacets bien
serrés. Je suis dans le dur, j’ai beau me dire que c’est la dernière ascension,
je craque complétement. Ben se détache mais le pire est qu’on ne voit guère
plus loin que 100m avec ce brouillard. C’est insupportable de ne pas voir le
sommet ! Je résiste et repousse toujours plus haut le moment de faire une
pause de quelques secondes comme la plupart des gars. Malheureusement je sais
que si je m’arrête je ne repars pas ! Ben est à la limite du brouillard et
fait le nécessaire pour se retourner de temps à autre. Je n’ai qu’une
envie : jeter mes bâtons et attendre qu’un hélico vient me chercher !
J’en ai marre, je pète un câble, je gueule tout seul et tout haut…
Enfin le sommet (je n’ai
aucun souvenir de cette photo) !
Plus que 17 bornes… On est
largement dans nos temps de passage mais un ami nous challenge par sms afin de
tomber sous les 500ers (on s’en fiche un peu du classement mais quand on est
con…).
10km de descente parcourue en
courant et nous rejoignons les Houches. Comme toujours on passe notre temps à
doubler essentiellement les mêmes personnes, ces mêmes personnes qui marchent
mais qui ne s’arrête jamais ! On est en mode Pac-Man, on serre les dents pour
tenir une bonne allure et grapiller au classement.
On ne perd pas de temps au
dernier ravito (<3 7km="" attendait="" avant="" avouera="" ben="" chose="" craquer="" de="" envie="" esp="" est="" et="" faux="" file="" il="" j="" l="" la="" m="" ma="" marcher="" me="" moi="" montants.="" n="" nbsp="" o:p="" on="" part="" plats="" plus.="" pour="" qu="" que="" re="" va="" y="">3>
Dernier kilomètre, on rentre
dans Chamonix ! Impossible de ralentir devant tous ces gens qui
encouragent, qui félicitent. On applaudit de toute part : des balcons, des
voitures, des devantures de magasins… Il n’y a qu’ici qu’on peut vivre une telle
ambiance, un tel engouement !
Au-delà de l’émotion exacerbée
par la foule, nous franchissons la ligne en 26h14 et en 490ème
position. Mieux que prévu !
Une page se tourne pour moi sur
le Mont-blanc après la CCC en 2013, l’UTMB en 2016 je suis finisher de la TDS…
Une course pas si technique mais rendu bien difficile par les conditions
météorologiques !
Finalement je suis bien
content de ma préparation même si je me suis fait violence (et trop
souvent : no pain no gain) pour la suivre (PPG, gainage, vélo, tirage
de bourre avec la section…) : je n’ai pas eu mal aux jambes, ni aux
articulations. OK j’ai eu un gros coup de moins bien, j’ai beau m’y préparer,
ça fait mal mais c’est le tarif minimum sur une telle distance … Et puis tant que
les copains sont là pour encourager ça motive et ça réchauffe et ça ne laisse
pas le choix !
Voilà, voilà ! Maintenant
place à la récup’, place à vous, honneur à vos performances et j’ai notamment
hâte de suivre les différents feuilletons 2018/2019 de la section avec cette
année :
-
Les Terrils : qui de l’équipe A ou B
remportera le caillou ?
-
Le retour du Marraud
-
Claudia Vs Greg !
Si vous avez eu le courage de
tout lire, merci encore de m’avoir soutenu !"
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