par Julien F !
"#jaisurvecu
Une course de dingue. Plus une
aventure qu'une course d'ailleurs.
Officiellement 176km et 10200m
de D+ (la montre annonce pas mal plus…)
La 1ère épreuve
n’est pas celle qu’on croit. Ça commence par le retrait des dossards à Saint
Pierre.
Tous les dossards de toutes
les courses sont à retirer la veille du départ en bord de mer à Saint Pierre.
Il n’y a quasi pas d’ombre, il fait 35°C et nous sommes 6000 à faire la queue
pour obtenir le précieux papier.
C’est surtout un long parcours sinueux au milieu de tous les sponsors du Grand Raid, le retrait des t-shirts de course (2 quand même !), les sacs de délestages, et des tonnes de goodies allant d’un sent-bon pour voiture à des échantillons de lessive :-).
Priorité repos parce qu’on
vient juste de débarquer de l’avion alors malgré une petite baignade dans la
mer on part faire une sieste, puis une bonne nuit et re-sieste le jour de la
course. Et oui les organisateurs ont la curieuse idée de faire partir la course
à 22h (peut être pour éviter la chaleur de Saint Pierre) mais cela fait
commencer par une nuit.
Les mots manquent pour
retranscrire vraiment cette diagonale des fous. Pour commencer, elle ne s'est
pas vraiment déroulée comme je l'avais tant de fois imaginé. J'avais tellement
rêvé de cette ligne d'arrivée franchie à trois. Perdre Cécile sur une chute
juste avant Cilaos et Romain en haut du Taïbit, a vraiment participé à créer un
gros moment de doute : comment je vais faire pour continuer 100 km tout seul ?
La course se déroulait pourtant plutôt bien au début malgré un caprice
de Romain qui a voulu partir dans son SAS plutôt que de rentrer dans le nôtre.
Sans expérience sur cette distance, on partait plutôt calmement avec Cécile et
malgré quelques petits bouchons, tout se déroule plutôt bien.
Commencer par une nuit je
trouve que ce n’est jamais évident parce qu’on ressent tout de suite de la
fatigue liée au manque de sommeil alors qu’on vient de commencer la course. On
se dit que ça va être long…
Heureusement le lever de
soleil nous redynamise un peu et la bonne surprise c’est une belle vue sur le
piton des neiges (photo au-dessus). Je ne le sais pas encore mais ça fera
partir des rares moments de beau temps pour profiter des paysages…
On fait un peu les cons quand on voit un photographe qui profite de la belle lumière matinale (photo ci-contre). On se rend bien compte que la diag, ce n’est pas vraiment une course roulante, les chaussures et les pieds vont prendre chers, il n’y a JAMAIS rien de « plat » à la réunion.
Nous profitons de ce moment jusqu'à
Mare à Boue où nous retrouvons les enfants et Emmanuelle. Petite tentative de
sieste sur des tapis de sol amenés par Emmanuelle. Le temps de cette pause (pas
forcément utile au demeurant mais c’était sympa d’avoir un moment en famille)
Romain nous rattrape et nous repartons ensemble.
La montée du plateau du
kerveguen reste un moment qui m'a paru vraiment long et difficile. Cet endroit
de l’ile est quasiment toujours dans les nuages donc on ne voit pas grand-chose
et le chemin est vraiment très glissants et boueux. La progression est donc
compliquée d’autant qu’il y de temps en temps des petits groupes de coureurs
qui sont déjà en difficulté et qui font des mini bouchons et qu’on a beaucoup
de mal à doubler.
Heureusement la descente vers
Cilaos commence et on n’est pas mécontent de faire travailler d’autres muscles…
ca permet de varier les plaisirs. Généralement Cilaos est un cirque assez
dégagé mais cette année sera une édition très humide… Cilaos est complètement
bouché dans un nuage avec une fine bruine permanente qui rend la descente très
glissante. Déjà que cette descente dite « du Bloc » est technique, là
c’est devenu une vraie piste de luge (photo ci-dessous).
Tout se passe bien jusqu'à
cette malheureuse chute de Cécile. Les deux pieds partent d’un coup, réception acrobatique
sur les fesses sur un gros rocher anguleux… contusion à la fesse et à la
hanche. De longues minutes pour repartir mais la seconde moitié de la descente
jusqu’à Cilaos devient vraiment laborieuse et Cécile a du mal à marcher ==>
abandon de Cécile à Cilaos.
Cilaos c’est la 1ère
base vie avec sac de change. On a environ 75km et 4000m de D+ dans les jambes,
1 nuit et une journée dans les jambes.
Avec Romain on se fait 2h30 de
pause pour bien profiter de cette base vie. Changement intégrale de tenue avec
débarbouillage lingettes. Gros repas chaud à base de poulet, de riz et
lentilles. On peut même se faire masser ! Quel bonheur, on a l’impression
d’être tout neuf. On réussit même à dormir 30 mins. Malheureusement pas dans la
tente dédiée parce que c’est complet mais sur un tapis de sol au chaud dans un
coin de réfectoire ça le fait bien malgré le bruit.
Et c’est reparti en commençant
par une descente jusqu’à la cascade de bras rouge et la nuit commence à tomber.
Malheureusement dans la montée
assez longue et difficile vers le Taïbit Romain commence à boiter sérieusement.
Gros doute parce que Mafate est un gros morceau et c'est impossible d'en sortir
autrement que sur ses deux pieds ou par hélico. D'autant que je peux raconter a
postériori que les conditions dans Mafate était vraiment difficiles : une très
grande humidité rendait quasiment tous les chemins et les cailloux très
glissants. En particulier dans le sentier scout qui m'a paru interminable.
C’est d’ailleurs juste après cette partie, au milieu de la nuit que je passe un
mauvais moment. Arrivé à Aurère j’ai très envie de dormir (je n’ai que 30 mins
de sommeil pour l’instant avec 24h de course). La tente affiche encore une fois
complet alors je tente pour la 1ère fois de ma vie le coup de la
couverture de survie à même le sol comme une bonne dizaine de coureur :
ECHEC ! Je ne sais pas comment font les autres mais le sol est humide,
j’ai du mal à me réchauffer et ça fait du bruit bordel. Et voilà donc 45 mins
de perdue sans avoir gagner la moindre minute de sommeil. J’enrage, je suis
con, je suis nul, je ne gère pas bien, bref, ça ne va pas.
Je reprends un gros coup de
boost quand le jour se lève avec une très belle vue sur le Maïdo et la montée
des orangers qui commence. Je profite de cette chaleur pour dormir 30 minutes à
Ilet des orangers avant d'attaquer un gros morceau.
Le gros morceau c’est le Maido ! Quasiment 1600m de dénivelé positif avec déjà 100km dans les jambes. Et bien faut croire que les 30 mins de dodo m’ont bien boosté parce que finalement la montée du Maïdo se passe bien et l'ambiance au sommet était juste incroyable : clairement un des meilleurs moments de la course.
La descente vers Savannah et
longue mais je m'y attendais et ça ne pose pas de difficulté particulière même
si j'ai les pieds qui commencent à sérieusement me faire mal.
C’est la seconde base vie.
Nous sommes environ au km 140, déjà 8000m de D+ avec 2 nuits et 2 jours dans
les jambes. Comme à Cilaos je peux prendre mon temps puisque je me fais même le
combo massage des kinés + podologue. Nettoyage avec des lingettes et changement
de tenue intégrale me voilà avec l’impression d’être « presque » tout
neuf.
Mais le gros plaisir c’est que
je n’ai pas mangé dans cette base vie mais que je suis resté un long moment
avec la famille à la mode des locaux. Repas, discussions et dodo (30 mins) sur
un tapis de sol avec de l’amour autour de moi.
Je repars confiant malgré mes douleurs aux pieds et notamment parce que c'est la même fin que le Bourbon il y a 2 ans. Donc je sais que c’est long mais je sais que ça passe. Le chemin des anglais reste un chemin hallucinogène en pleine nuit. La descente de chemin de Ratineau reste un enfer (quasi de l’accrobranche en pleine jungle).
Je peux même me reposer
plusieurs fois en me disant que ça me permettra d'arriver le matin à La Redoute
avec toute la famille, ce qui sera beaucoup plus agréable qu'une arrivée en
pleine nuit. Donc dodo à la Possession avec Malia et Hugo. Dodo de nouveau à la
Grande Chaloupe.
Et comme on cherche des
plaisirs partout où il peut y en avoir, j’ai même le droit à un beau lever de
soleil en haut du colorado avec une longue pause thé au sommet.
Et je confirme que cette
arrivée à La redoute avec la famille est un moment extraordinaire. Cette
ferveur, ce dernier tour de piste sur le tartan du stade. Le speaker et les
encouragements des centaines de spectateur qui te disent : ça y est t’es
un fou !
Et oui ça y est. Je suis
devenu un fou.
#jaisurvecu
Comme les genoux dans le GIF ont une bien meilleure plume que moi, je me permets de reprendre leur description :
C'est LE PLUS BEL ULTRA DE
L’ANNÉE. C'est le départ du Grand Raid de La Réunion. Il faut d’abord passer
l’étape la plus difficile : le retrait du dossard. Des heures sous le cagnard
pour préparer le corps à Mafate. Enfin, le bout de papier est là. Puis viendra
le grand départ. Des foulées trop rapides par rapport au menu gargantuesque
proposé : 175 bornes et 10 000 mètres de dénivelé positif, ça use les souliers
et dégomme les guiboles. Après la première nuit, les corps sont souvent
démolis. Les coureurs deviennent acrobates et funambules. Quel cirque. Ici pas
de filet dans Mafate, si tu entres il faudra bien sortir. En rampant, en
pestant, mais toujours avec nostalgie quand tout ce spectacle est derrière. Il
faut encore monter quand les larmes descendent les joues. Le Grand Raid ne
termine donc jamais. Encore des marches et des racines qui font de l’origami
avec les dernières forces. Le chemin des Anglais est une clownerie dont tout le
monde se passerait. Les chevilles font des bisous aux pavés, les âmes sont
tordues et les cœurs n’en peuvent plus. Mais il y a toujours cette bonne raison
d’être là qui est plus forte que tout : on ne s’élance pas sur un chantier
pareil sans un truc qui vient des tripes. Puis enfin ce passage sous le pont et
l’arrivée, les regards humides qui se croisent sur la piste sèche de La
Redoute. CETTE COURSE EST TELLEMENT PLUS QU’UNE COURSE.
Et je rajouterai : c'est
surtout une magnifique aventure."