mardi 1 août 2017

GR20 en Corse par Samuel G. en 6 épisodes - J3

Troisième épisode des aventures de Samuel Gotto, qui a traversé la Corse en mode Trail par le GR20 sur 5 jours ! voici le récit du troisième jour :

J3 : Bocca di Verghju – Vizzavona



Malgré une chambre et un lit superposé confortable, des colocataires des plus agréables, pas trop bruyants, et contre toute attente ma nuit fut bien agitée : du mal à trouver le sommeil, toujours la bouche pâteuse, une vessie de moineau… Bref je suis éveillé plus que je ne dors !
5h, on se lève (au temps dire pas forcément de bonne humeur), on s’habille et on file dehors prendre notre petit déjeuner. Il y a déjà pas mal de randonneurs en train de s’alimenter à la frontale sur les tables de piquenique ou d’autres en train de plier leur tente.
6h, on part et on manque de trébucher sur des cochons sauvages finissant leur nuit au bord même de la route !


Nous filons en sous-bois ou nous pouvons enfin courir sur 3km. Le sentier est plus ou moins plat, et on commence à rattraper les randonneurs partis plus tôt, toujours aussi aimables avec un petit mot d’encouragement pour le reste de la journée.
Débute une ascension pas trop raide (4km pour 600D+), à découvert ce qui nous permet de suivre le levée du soleil tout en empruntant un sentier de terre qui s’avère être la propriété de bovins (à défaut de caillou on slalome entre les bouses)…


Au sommet, on se pose quelques instants devant l’étrange et iconique arbre couché (qui a poussé en étant façonné perpétuellement par le vent) !


Puis on continue notre chemin, tout en faux plat descendant on déroule jusqu’à surplomber le lac de Nino. On le longe, le soleil ne tape pas trop, il n’y a personne, c’est plat et on a qu’une seule envie : courir pieds nus sur cette herbe qui transpire une rosée des plus accueillante et bienfaisante pour mes voutes plantaires… On est sur une autre planète, un décor de « silence ça pousse » ou d’un teaser pour un club de golf. Le Kiffe !

On retrouve nos Lyonnais et on fait quelques hectomètres avec eux. La fin de l’étape d’hier a été dure pour eux : ils sont arrivés à 22h, pas de repas mais un reste de pain et charcuterie et au dodo tout habillé ! Je ne sais pas comment ils font…
On enchaîne sur l’ascension du col de Capitello (3km pour 800D+), très raide, que du rocher, technique, il faut lever les jambes et les bras pour pousser sur les bâtons (quand ils ne ripent pas sur la pierre). Comme d’habitude gros coup de mou à 1 800m d’altitude qui ne part pas et que je vais affronter 2 bonnes heures. On sent vraiment la différence de chaleur lorsque le soleil est au zénith et que ses rayons se réverbèrent sur les pierres. Je dégouline, je me réhydrate davantage, je dégouline encore plus, je bois plus, je coule…


Enfin le sommet (2 200m)! La vue est à la hauteur de l’effort : un écrin de montagne dont ses flancs noirs font ressortir 2 émeraudes (lacs de Capitello et Melo): 2 lacs à l’eau sombre et profonde mais si pur qu’on se sent vraiment attiré.


Il faut savoir qu’il y a 350D+ d’écart entre ces 2 miroirs ! D’en haut on a vraiment l’impression qu’ils sont l’un à côté de l’autre.


Il y a du monde qui comme nous s’arrête. Un peu trop de monde et on décide d’avancer (après avoir pris quelques photos, vidéos et une barre d’Ovomaltine. Je me sens mieux et on s’élance sur la crête. Le chemin nous fait évoluer sur l’arête de la montagne, il nous faut prendre quelques mains courantes assez impressionnantes. Il nous faut aussi attendre parfois qu’un groupe passe. Notre rendement a nettement diminué !


Cette crête est vraiment longue (5km), escarpée, casse pattes et notre évolution fastidieuse. Néanmoins s’en suit une longue descente sur laquelle nous pouvons courir en serpentant à travers un alpage. Nous pouvons apercevoir le prochain refuge mais qui nous semble assez loin. La pause n’est pas pour tout de suite.


Vu l’heure avancée de l’après-midi, nous sommes pratiquement seuls, nous croisons rarement des randonneurs.
Arrivé au refuge même rituel : étirements pendant que les lentilles réhydratent, coca, Orezza et un petit paquet de chips qui fait du bien au moral !
En effet, nous commençons à accuser le coup et l’environnement et l’atmosphère y sont pour beaucoup : le refuge est très sympa, l’air de camping est composée de douches, d’une fontaine, mais surtout la pelouse est magnifique, verdoyante et arrosée… Le plus frustrant est de contempler les randonneurs en petite tenue, allongés sur l’herbe et profiter des rayons du soleil !
Mais non, il nous reste une dernière étape de 10 bornes avec une ascension de 4km et 700D+ et on n’est pas très motivé… Dans ce cas-là il ne faut pas trop réfléchir, rassembler ses affaires et y aller. De toute façon on n’a pas le choix !
Milieu d’ascension, on se retrouve bloqué par un troupeau de chèvre qui déboule à contresens. Impossible d’avancer et on reste pantois durant 5 bonnes minutes ! C’est sympa, un moment…


Nous poursuivons notre ascension, Ben est un peu dans le dur et passe devant pour donner son rythme. J’ai l’impression qu’il envoi comme une brute, je suis à la traîne.
On bascule au sommet.
-       Ben « j’ai préféré faire la montée devant pour prendre de l’avance car je ne sens pas trop  la descente »
-       Moi « Pas de problème, je te suis dans la descente, mais le but est de faire attention à ne pas se blesser »
Qu’est-ce que je n’ai pas dit ! 5km de descente pour 1 200D-.
Je vis un enfer : je n’ai plus de jus, c’est très technique et le peu d’énergie qu’il me reste je le passe dans un effort de concentration pour bien poser mes pieds sur les pierres afin de ne pas ripper. Je ne fais pas 200m sans rouler sur une pierre, sans manquer de me tordre la cheville… J’ai beau me concentrer, mes pieds ne m’écoutent pas !
Force est de constater que je ne suis plus très lucide. C’est une sensation nouvelle pour moi, désagréable, le corps est totalement déconnecté de la tête, on ne maîtrise plus grand chose.
Cette descente est interminable…
Le point positif est la qualité de mes chaussures. Je porte des Salomon Wings pro 2, un peu rigide mais qui s’avèrent résistantes à la rocaille, plutôt bien adhérentes (et depuis 3j elles ont été soumises à rude épreuve).
Je m’en sors bien : pas de blessure que des avertissements « sans frais » si ce n’est les malléoles internes qui subissent l’impact des pierres lorsqu’elles se dérobent sous les pieds. A chaque choc, c’est une douleur qui traverse tout le corps comme un coup de jus, insupportable. Je me surprends à avoir les yeux mouillés sur quelques impactes. Ça fait vraiment, vraiment mal.


Enfin du plat même si le chemin est jonché de racine, de pierre. On trottine comme on peut mais sincèrement l’envie n’est plus là. D’ailleurs je crois que ça fait plus de 2h qu’on ne sait pas adressé la parole même si Ben se retourne régulièrement. Depuis le début on ne se sépare pas de plus 50m, le principe est d’être toujours visible l’un de l’autre.
On s’était donné rendez-vous avec les 3 autres à la fameuse Cascade des Anglais. On dit que si on ne s’y est pas baigné, on n’a pas profité du GR… J’avoue que je n’ai pas envie, il est 19h. Je n’ai qu’une seule hâte : celle d’arriver et de prendre une douche. On se surprend depuis la veille à ne plus supporter son odeur. Par moment ça monte à la tête.
Une fois sur le lieu du rendez-vous, on attend les autres qui semblent avoir emprunté un mauvais chemin. On en profite quand même pour faire trempette. L’eau est froide mais ça fait du bien. On constate nos superbes marques de bronzage de cycliste (malgré l’application 3 fois par jours de crème solaire indice 50) ! Les voilà enfin, on prend quelques photos, on discute, je commence à avoir froid, je me rhabille et il m’est extrêmement inconfortable de remettre ma tenue souillée… J’ai envie de tout brûler !


J’avoue ne pas être des plus causants avec le groupe et il nous faudra 20’ pour rallier notre gîte.
-       19h45, moi « Bonjour, désolé nous sommes un peu retard, vous voulez qu’on passe directement à table ? ». Je crains tellement qu’ils ne servent plus après 19h15…
-       La serveuse « Non, je vous laisse 10’ MAXIMUM pour vous laver »
-       Moi « C’est comme vous voulez, si vous ça vous arrange de servir avant… »
-       Elle me coupe « Non, ce n’est pas pour moi mais pour les autres randonneurs afin qu’ils ne soient pas gêner à table par votre odeur ! »
Ça s’est dit !
On se dirige tout penaud vers notre chambre où pour la 1ère on va dormir que Ben et moi dans 2 lits simples et même pas superposés. On se lave tout habillé (gain de temps et on rince nos vêtements en même temps), on ne s’étire pas, juste le temps de mettre les chaussures à la fenêtre et de constater l’état des pieds (la voute plantaire à vif sur 3cm du aux arrêtes des rochers, les malléoles toutes écorchés).
On passe à table ou un demi de Pietra nous attend déjà avec un quart de pizza en guise d’apéro. On commande direct un 2nd demi. Au menu ce soir, outre la pizza : une salade composée, une truite avec un risotto et comme dessert une bonne tarte à la myrthe ! Délicieux.
Plus le dîner passe plus je sens mes pieds qui gonflent. Pas top.
On débriefe… On constate qu’on a loupé nos 3 compères d’1h à la brèche de Capitello. Ils se sont fait une rando de 4h avec 11km et 850D+. Chapeau pour des éclopés !
Pour nous c’est 46km – 2 750D+ pour 14h10 d’effort dont 1h40 de pause (baignade inclue !)
22h, on passe aux choses sérieuses et on se prend notre liqueur : une limonecello fait maison…
23h, on prépare nos affaires dans la chambre et je sors ma 2nde tenue (il me paraît fort improbable que celle utilisée jusqu’à présent, mais lavée au savon de marseille tous les soirs, soit sèche d’ici demain 5h…). La journée de demain est normalement moins longue mais surtout plus roulante, moins technique. Aussi on décide de changer de chaussure et opter pour notre 2nde paire, à savoir en ce qui me concerne des Asics Trabucco, plus légère, plus souple.
Je m’étire vite fait et m’allonge sur le lit 20’ les pieds en l’air contre le mur en attendant que Ben finisse ses affaires.
Cette journée a été longue, très longue…
23h30 dodo.


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