mercredi 1 décembre 2021

La Saintélyon par Mathieu Br. - 28/11/21

 Récit de Mathieu Br.

"Tout a commencé un samedi 15 février 2020 sur le WhatsApp du RunNatixis. Le sujet concernait l’inscription de Cyril au trail des Passerelles et 13 minutes plus tard la Saintélyon 2020 était lancée pour la section. Les perspectives de liberté et de nature à l’ouverture des inscriptions en plein 1er confinement ont favorisé les vocations et rapidement une quinzaine d’adhérents sont partant pour la SaintéLyon. Mais ça c’était le monde d’avant…



Le 27 novembre 2021 à 23h30, nous ne sommes plus que 6 représentants de l’USN à attendre le départ ; il fait nuit, il y a une arche de départ bleue, de gros flocons tombent du ciel, le décor est planté, pas de doute c’est bien à la Saintélyon ! Dans le groupe il y a l’extraterrestre Raphaël qui n’a pas voulu prendre la navette pour venir au départ et qui est donc parti à pied de la halle Tony Garnier le matin à 09h00. Le reste du groupe est constitué de 5 novices sur la STL ; Julien N qui fait figure d’expérimenté sur ce genre d’épreuve car les 4 autres, Virginie, Soumia, Patrice et moi Matthieu nous n’avons jamais couru plus de 42km.



Mais comment en suis-je arrivé là, alors que je n’ai fait qu’un de trail de 17km ? Le challenge proposé par Benoît et Fabienne a appuyé sur des souvenirs d’enfance : les sandwichs du dimanche soir devant Stade 2 en noir et blanc et les reportages de la STL. Résultat dès l’ouverture des inscriptions, j’étais inscrit à la Saintélyon 2020.

Je ne reviendrai pas sur 2020, mais avec une floppé de reports, me voilà en 2021 avec 5 gros défis en cinq mois (le plus petit étant le marathon de Porto) et l’ultime, en fin de saison épuisante, la STL. Difficile dans ce contexte de planifier un entrainement spécifique ; j’enchaine les évènements et chacun servant de préparation au suivant.

Reste un point la technique car je ne suis pas trailer. Donc 1 semaine après Porto, je travaille ce cas au contact de Nicolas M avec une séance trail de 27km à la station de Bures sur Yvette pour apprendre comment passer les montées et les descentes et obtenir divers conseils.

Me voilà prêt, je suis confiant et je pars pour une bonne grosse balade sans objectif de performances

 

La journée du samedi est une séance de multi enchainements : métro tgv, tramway, récupération des chasubles, bus et enfin nous arrivons un peu avant 18h aux parcs des expositions de St Étienne. Nous prenons une place au calme pour nous reposer.

Sam passe nous voir et nous commençons à nous mettre en tenue, puis allons à la pasta party ; 1h de queue et de piétinement mais à 5 ça assez vite on discute stratégie et équipement car la neige vient de commencer à tomber.

Vers 22h nous nous approchons des portes pour accéder aux sas de départs, nous restons sous abris jusqu’à 30 minutes après le départ et nous sommes bien placés pour partir avec la 2ème vague à 23h45 juste après les élites et préférentiels.


Nous nous retrouvons donc sous la neige à attendre ; ça y est 23h45, notre départ est donné, et nous restons les 5 assez groupés pour les 3 premiers km dans St Étienne, puis chacun prend son rythme et commence à appliquer son plan de course.


 Le mien est simple c’est terminer la course et mon rituel sera de boire tous les 4km, manger une barre tous les 8 km, prendre du Sporténine toutes les heures et un gel toutes les 1h30.

Mon plan s’enraille dès le 8ème km, je n’arrive pas à boire et encore moins à manger… C’est un peu top pour devoir déjà gérer des problèmes gastriques certainement provoqués par le froid et/ou la pasta party très aillé ; ça va être long.

J’essaie de profiter du moment, de la beauté de ce serpent de lumière qui monte et descend au gré du relief, c’est magique d’autant plus la neige ne gêne pas notre progression légèrement boueuse.

C’est très roulant, je passe le 15ème km en 1h57 j’arrive à prendre péniblement une barre et quelques gorgées d’eau.

Et j’arrive enfin à Saint-Christo-en-Jarez au km 18 pour le premier ravitaillement ; Soumia m’a précédé de peu et Virginie est sur le point de repartir. Je ne prends ni boisson ni nourriture et cherche à soulager mes troubles. Puis avec Soumia, nous repartons ensemble mais je décroche un peu.

La neige est plus présente, elle est tassée par les coureurs qui nous précèdent et des plaques de verglas commencent à sévir. Ça glisse, ça tombe je rejoins Soumia qui tombe aussi. Je décide donc de chausser les Yaktrax ; que du bonheur, cet équipement me permet d’être moins tendu et crispé ; je suis 2 fois plus rapide que les autres qui marchent dans l’accotement en dévers et je profite quasiment tout seul des routes ou des chemins. Le moral remonte, c’est trop beau cette guirlande lumineuse dans la neige


J’arrive au 2ème ravitaillement au km 32 à Sainte-Catherine, j’arrive à prendre une tasse de coca et smecta (je n’y avais pas pensé avant !) et je repars. Mais au bout de 30m j’ai une grosse crise de frissons et tout mon corps tremble, je retourne au ravitaillement en croisant Soumia qui repart et je vais prendre une soupe chaude et me poser 10 à 20 minutes dans une tente. J’en profite pour écouter un local, dire que nous avons fait le plus dure et que la prochaine montée ‘’le Signal’’ les gens en font une montagne mais elle se passe bien, ensuite sera la descente et l’arrivée du jour qui provoquera un coup de boost au moral et à ce moment plus rien ne pourra nous empêcher de terminer cette course.

Ça me fait sortir de la tente et je quitte de nouveau ce 2ème ravitaillement, mais de nouveau au même endroit après le petit pont au niveau d’une marre un courant d’air glacial me provoque une nouvelle crise de frisson. Le doute s’installe instantanément, je comprends que mon corps a atteint ses limites et que tout va s’arrêter là je vais devoir opérer un demi-tour et prendre un bus pour rentrer à Lyon après seulement 32km.

Non ça ne peut pas se terminer comme ça ; je repense à ce que disait le local sous la tente ; il faut juste que je passe le point haut dans 10km et ce sera dans la poche, une petite voix me dit de courir pour me réchauffer mais je n’arrive pas à faire cette première foulée et je continue à trembler en marchant. Dans un sursaut d’orgueil je me dis que je ne peux pas abandonner sans avoir tenter et je déclenche enfin cette 1ère foulée de course mon corps se réchauffe et après 30 secondes les frissons disparaissent.

J’attaque le Signal, je reprends du poil de la bête, et je ne vois même pas que je suis dans le blizzard ; la neige tombe à l’horizontal et fouette la gauche de mon visage ; je jubile j’étais venu pour ça. Je passe ma main sur mon crane au-dessus du cache oreille, je sens une épaisse couche de glace qui recouvre mes cheveux, je frotte un peu cette protection et je suis saisi par une douleur intense provoquée par le vent glacial qui percute mon crane humide et je rie de ma stupidité. Je mangerai bien un morceau mais mes barres sont toutes assemblées par le gel et je préfère ne pas me casser une dent.

Je continue à avancer, c’est le kiff, c’est magnifique et à plusieurs reprises dans des endroits les plus improbables perdues dans la pampa des personnes avec sound systems et des braseros sont là pour nous encourager en pleine nuit.


Je passe le Signal et commence un single en descente très technique et embouteillée, pour arriver au levé de jour au 3ème ravitaillement (uniquement liquide) au km 45, en précédant Soumia de peu.

Je retire les Yaktrax, je prends une petite soupe et 2 morceaux de chocolat bien durs et je remplis ma poche à eau. Après 8 heures de course j’ai seulement bu 1.5l d’eau, 1 coca et 2 soupes.

Je repars après Soumia, le jour aidant je commence à bavarder avec les autres concurrents il y a de la légèreté dans l’air mais moins dans la foulée ; le parcours est assez roulant et l’avant dernier ravitaillement arrive très vite au 56ème km.

En arrivant je croise Soumia qui s’apprête à repartir ; je suis content car j’arrive enfin à manger 2 soupes, une barre de céréales, des gâteaux et un gel.

Je repars en sachant qu’il reste un gros semi, mais vu l’allure qui diminue je comprends que j’en ai encore pour 3 à 4 heures. Je cours de moins en moins. Je comprends que j’ai de grosses lacunes techniques dans les descentes où je suis constamment déposé par les autres trailers.

Mon moral prend un coup à 1km du dernier ravitaillement quand je vois courir en contre sens ceux qui ont déjà fait le ravitaillement, je peste contre cet aller/retour pour atteindre le gymnase. Mais une fois arrivé j’en profite bien pour recharger les batteries avec de la soupe du coca du pain et du saucisson lyonnais.

Je repars pour les 12 derniers kilomètres ; je n’arrive plus à courir dans les descentes et très vite je marche aussi sur le plat, il reste 10 puis 7 km mais c’est interminable (comme ce résumé) ce n’est que monter, avec une fois une pente qui avoisine les 18%, pour redescendre dans la foulée, avec une fois des escaliers. Je traine ma carcasse et je maudis ce parcours et je n’en comprends plus l’intérêt ; dans cette lenteur j’ai tout le temps de me dire que j’ai fait une vraie Saintélyon avec de la neige et que comme cela je n’aurai pas besoin d’y revenir.

Me voilà enfin arrivé au musée des confluences, je me remets à courir c’est le dernier kilomètre je m’envole, à l’entrée de la halle Tony Garnier un photographe me dit bravo je n’arrive pas à le remercier je suis à 2 doigts de craquer je rentre dans la halle un dernier virage à gauche et je passe cette mythique arche bleue.



Je croise mes acolytes qui attendaient mon arrivée, ils sont déjà douchés et partent manger car leur train est pour bientôt.

Je peux enfin prendre soin de moi en me remémorant cette saison 2021 que je viens de terminer par ce monument qu’est la Saintélyon. Je savoure elle est faite et il n’y aucun besoin de la refaire ; c’est clair jamais je serai un trailer !

Mais ça c’est ce que je pensais avant-hier…."

 

 

 

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