lundi 27 juin 2016

Verdon Canyon Chalenge - 64 km

Récit de Frédéric COURNON
  
"Verdon Canyon Chalenge - 64
Ayé c'est l'heure, j'entends mon téléphone sonner... Une sonnerie à peine ... puis ma tente qui s'ouvre... toute seule ! Ah non c'est mon voisin de tente - probablement un ouvreur - qui se lève avant tout le monde pour se positionner. Il est 1h20 ! Encore le temps de dormir ...
Tien, ma tente qui s’ouvre encore ! Ah non, c'est mon autre voisin qui fait le 80 km et qui se lève à 2h00 ... départ à 4h.
Bon au final, je me suis retrouvé à avoir un nouveau voisin tous les quarts d'heure jusqu'à 4h15, l'heure à laquelle j'avais réglé mon réveil.
Et une question me taraude : pourquoi des tentes qui se montent si vite ont-elles des fermetures aussi bruyantes ?
Pas grave, j'ai quand même dormi 3 bonnes heures et le temps semble idéal pour faire une petite balade de 64 km dans les Gorges du Verdon.
 

1h45 plus tard je suis sur la ligne de départ dans le village d'Aiguines, dossard 584, en compagnie de 125 autres camarades de jeu. Aucune douleur à signaler, mon sac sur le dos, mes bâtons en mains et ... mes genouillères Zamsk RK1 aux genoux. Elles sont mon dernier espoir, elles portent en elles mon avenir sur les chemin de France et de Navarre !
Le départ est donné et on commence tranquillement à grimper les 800m de dénivelé qui nous sont offerts en guise d'échauffement. Je me positionne en queue de peloton pour ne pas être tenté de partir trop vite. Et puis c'est toujours plus agréable de dépasser que l'inverse.


 


A 6 heures on trouve peu de coureur bavards. Mais 1h15 plus tard, en haut du Grand Margès, devant la beauté du spectacle qui s'offre à nous, les langues commencent à se délier. Tout le monde s'arrête pour photographier le lac de Sainte Croix avec l'horizon à perte de vue, d'un côté. Et les gorges du Verdon qui se dessinent de l'autre. Un peu comme si un géant était venu trancher la terre de son épée monumentale pour laisser passer la rivière.
La descente est très agréable. Des passages découverts à slalomer entre le cailloux. D'autres en sous-bois à zigzaguer entre les arbres.
On arrive finalement dans l'antre. Et comme souvent, ce qui est beau est difficile à conquérir. Mais ici la difficulté fait partie du plaisir. Une pente hyper raide, des rochers, des échelles qui demandent une attention de tous les instants.
S'ensuivent alors 15 km de bonheur, au fond du canyon, entouré de falaises immenses et au-dessus de ce cordon bleu qui serpente avec vigueur entre les rochers.
Il y aura en point d'orgue ce fameux couloir Samson et ses escaliers interminables, mais aussi le point Sublime qui voit la terre s'ouvrir en deux. Et ce tunnel de 600m creusé dans la roche par ce fameux Martel, parsemé de petites ouvertures qui nous donnent des points de vue magnifiques sur le canyon.
 
 

C'est finalement avec regret que je quitte cet endroit merveilleux. Mais je me console en constatant que l'on est maintenant à mi-parcours, que mes jambes sont bien et que mes genoux ont l'air décidés à me laisser tranquille. Tout va bien quoi !
C'est le 3eme ravito donc. Il y a pas grand-chose qui me fasse envie si ce n'est du pain qui se révèlera aussi bon qu'il est appétissant. J'en oublie même mes battons en repartant et pers environ 10 minutes pour les récupérer. Du coup mes compagnons de course sont loin devant et je me sens obligé d'accélérer dans la montée qui suit. Malheureusement je tombe rapidement en panne d'essence. La côte est très raide et plus longue que je ne le pensais.
Et le bon pain du boulanger est toujours dans mon estomac et ne permet pas de remplir mon réservoir glucidique suffisamment rapidement. En plus je commence à avoir mal au ventre. Et pour la première fois je me fais dépasser par d'autres coureurs. Tout d'abord par monsieur muscle dont je me demande encore comment il fait pour porter tout ça sans même avoir besoin de bâtons. Et une jeune nénette qui a eu la gentillesse d'avoir l'air aussi fatiguée que moi, mais que je ne rattraperais jamais.
 

Il me faut près d'une heure pour venir à bout de cette montée. Et encore quelques km pour trouver une solution a mon mal de ventre. J'en profite pour faire une dédicace à mon ami Nicolas qui va bientôt s'élancer sur le tour complet de Golf du Morbihan (170 km) et qui rencontre fréquemment ce genre de problèmes.
Et me voila reparti de plus belle. Je remonte encore quelques coureurs. Certain commencent à fatiguer. Il y a aussi celui qui boite suite à une mauvaise chute. Celle qui a les genoux qui couinent à qui je fais la promotion de mes genouillères.
C'est une très bonne période, je suis offensif et décidé à attaquer. Et c'est un vrai plaisir de voir au loin ces silhouettes qui se rapprochent pour finalement disparaitre dans mon dos.
Mais au 48ème km ... c'est le drame !
 

Oui, on les voyait arriver depuis quelques km mais on espérait pouvoir y échapper. De gros nuages noirs sont maintenant au-dessus de nos têtes, le vent souffle et une pluie froide se met à tomber. L'eau mélangée au sel de transpiration qui recouvre mon visage coule et me pique les yeux. Je me refroidi très rapidement car je ne peux pas courir pour me réchauffer. Et mentalement je perds d'un seul coup la force d'accélérer.
Malgré une grande pause au 5eme ravito et la soupe chaude que j'avale, ma situation ne s'améliore pas. Et il faut de nouveau grimper le Grand Margès qui semble si loin de nous ! Sans parler de la descente (800m bien raide et technique) que je redoute tant pour retourner au village.
De nombreux coureurs me dépassent. Heureusement, une bonne partie d’entre eux sont du 80km. La pente, douce au début, devient progressivement plus raide. La pluie tombe toujours, la visibilité est nulle et le chemin se transforme en rivière de boue. Mais je fini par me réchauffer quand la pente devient plus raide. Et le moteur se remet en route pour finir la montée en trombe.
Et comme un miracle n'arrive pas seul, la pluie s'arrête au sommet. En fait les nuages sont comme bloqués par la montagne et l'autre versant est beaucoup moins humide.
Le sol est malgré tout très glissant. Mais cela reste un jeu d'enfant à côté de ce que j'ai pu rencontrer cet hiver dans les forêts parisiennes. Mes bâtons sont aussi d'une grande aide. Et mes genoux au top !
Du coup je me rend compte rapidement que je suis beaucoup plus rapide que les coureurs qui me précédent. Mon moral monte aussi vite que j'avale la descente et les quelques troublions qui se mettent en travers de mon chemin. D'ailleurs l'un d'entre eux fera une belle chute en me voyant débouler devant lui. Je fait donc une descente comme jamais je n'en avais fait, comme je n'avais même osé le rêver, à fond de ballon ! Et là pour le coup, je me fais bien plaisir.
C'est donc au bout de 13h08 de course que je passe enfin la ligne d'arrivée. Le soleil est de nouveau dans les parages. Je suis assailli par une petite pointe d'émotion en réalisant que je viens enfin de faire une course pleine, sans douleur envahissante, sans crampe même, simplement à gérer mon effort, mon alimentation, mon énergie. Et en prenant un maximum de plaisir.
Un petit jeune sympa me conseil d'aller me faire masser. Je me ferais en fait tordre par une apprenti ostéopathe très sympathique. A côté l'infirmerie est remplie. Certains souffrent juste d'un bon coup de froid, d'autres semblent plus sérieusement blessés. La pluie a compliqué la fin de parcours de beaucoup de coureurs.
J'aurais aimé discuter avec mes compagnons de course, mais la fatigue et le froid me rattrapent trop vite et je pars me réfugier dans la voiture pour me réchauffer.
Et plus tard, tout en avalant ma pizza et mon verre de rosé dans le restaurant du camping, je suis déjà en train de penser à mes futurs entrainements, ce qui a bien fonctionné et ce qui était moins bon. Car évidemment il reste encore trop de lieux magnifiques à explorer pour s'arrêter là !"



 

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